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Haro sur les “citoyens reporters”

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Metro France lançait mercredi 10 février 2010, MetroReporter, pour inciter ses lecteurs à se transformer en citoyens reporters rémunérés. Le quotidien gratuit propose ainsi à ses lecteurs internautes (2.5 millions de lecteurs quotidiens et 1 million de visiteurs uniques) de devenir reporter en partageant sur le site de MetroReporter leurs photos et vidéos d’actualité.

Metro Reporter

Qu’on se le dise, le “reporter citoyen” est une tendance de fond rendue possible par l’avènement du tout numérique et entamée depuis longtemps par les médias traditionnels, comme par exemple France 24 depuis 2007 avec Les Observateurs :

Les Observateurs est un site participatif de France 24. Il couvre l’actualité internationale au travers des témoignages directs d'”Observateurs”, c’est à dire de ceux qui sont au cœur des événements. Vidéos, textes, photos : tous les contenus publiés sur ce site viennent d'”amateurs”, mais ils sont sélectionnés, vérifiés, traduits et expliqués par des journalistes de France 24. Nos Observateurs peuvent être jeunes, vieux, médecins ou mineurs, chinois ou brésiliens. Ce sont vos yeux aux quatre coins du monde.

A cette différence, de taille, que Les Observateurs ne sont pas rémunérés : l’information n’a ici pas de prix ; elle est d’information générale et politique.

La presse quotidienne gratuite s’est donc positionnée sur cette tendance comme 20 Minutes Suisse depuis 2008, qui propose à son lectorat, par le biais de son téléphone, d’envoyer une photo/vidéo et un court texte qui, selon sa pertinence, seront publiés sur la version papier ou web du quotidien. Voici le genre de contenu que 20 Minutes.ch rémunère entre 50 et 100 Francs Suisse (entre 34 et 68 €).

20 Minutes France a également suivi avec les envoyés spéciaux 20 Minutes :

Envoyés Speciaux 20 minutes

Comme beaucoup, j’ai l’impression que la frontière entre sensationnalisme et journalisme, le mélange des genres entre le journalisme professionnel et “l’informateur amateur” est assez fine.

Pour les uns, ce sera la possibilité de trouver des sujets et des images qui n’ont été traités par personne. Pour d’autres, c’est une tendance à suivre qui vaut forcément rémunération. C’est également une manière de se passer un petit plus des grandes agences de presse comme l’AFP qui, dépassée par la révolution numérique, a du mal à suivre l’information à la vitesse où elle va (qui plus est lorsqu’elle est hyperlocale).

A ce propos, vous pouvez lire le rapport de Frédéric Filloux (comment rendre l’AFP à nouveau indispensable dans le contexte d’une information surabondante et dévalorisée) remis début février à Pierre Louette, PDG de l’AFP, dans lequel il n’hésite pas à dire :

«La concurrence des “sources”, plus ou moins fiables, disponibles sur l’Internet, la dévalorisation de l’actualité rendent l’agence (AFP) de moins en moins indispensable dans des rédactions, elles-mêmes de plus en plus pauvres. Les médias traditionnels sont de moins en moins exigeants, les nouveaux médias succombent au vite-fait, à l’approximation, et à l’illusion d’une possibilité infinie de corrections. Aussi effrayant que cela soit pour la démocratie, la culture dite du good-enough commence à imprégner le monde de l’information. (…) Le cheap and simple l’emporte sur la sophistication.»

En tout cas, les réactions n’ont pas manqué de fuser avec cette annonce de Metro qui signerait pour certains “l’arrêt de mort du photojournalisme“. A ce point ?

Dans un autre registre, mais dont le concept repose aussi sur le fait de solliciter une production médiatique de la part de tout un chacun, la revue gratuite Delicious Paper qui propose de rémunérer de “Courtes Histoires Intellectuelles contre Gratification” ; l’un des fondateurs, Charles-Henri Arnould nous confiait ainsi récemment :

Lorsque nous avons créé deliciouspaper (…) nous sommes partis d’une idée et d’un constat simple : il y a en ce monde beaucoup de personnes brillantes qui ont quelque chose d’intéressant à dire. Et peut-être que ces mêmes personnes aimeraient disposer d’une carte blanche pour nous livrer leurs réflexions et autres idées (qu’elles soient politiques, économiques, linguistiques ou mathématiques, etc.).

Nous sommes partis du postulat que les gens étaient par nature curieux et avides de découverte. Et que d’autres, curieux et avides de partage.

Persuadés qu’en ne nous bornant pas à une équipe rédactionnelle, nous aurons bien plus de chances de croiser des perles rares (c’est – si l’on peut dire – statistique), nous avons fait le choix de collecter les textes et de les rémunérer (tout travail méritant salaire) et non de les créer en interne.

Dans tous les cas, une certaine prise de pouvoir informationnel de la part des citoyens ne peut plus être ignorée par les médias de niche ou de masse. Capable du pire comme du meilleur, cette nouvelle dimension, qui tient plus de la rapidité avec laquelle l’information circule, ne devrait cependant pas être systématiquement vue par le journaliste traditionnel comme une hérésie. La nécessité de vérifier et trier l’information ne s’est jamais faite autant sentir.

De nombreuses images, vidéos et témoignages qui participent à la construction d’une information politique vérifiée ne verraient jamais le jour sans citoyen reporter. L’une des premières fois où des images prises par des particuliers avec leur téléphone portable ont fait le tour du monde des grands médias fut sans doute le séisme de Sumatra du 26 décembre 2004. Et depuis, la liste est longue. Tantôt pour contourner la censure ou tout simplement porter à la connaissance du plus grand nombre des informations autrement ignorée, le pire vaut-il d’être pointé du doigt au point de n’en retenir que cela ?


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